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Poèmes de Pablo Neruda
L'homme qui rêve de changer la vie
Le poète (voix off ):
La poésie a perdu son lien avec le lecteur lointain... Il faut le renouer... Il faut que la poésie marche dans l’obscurité et retrouve le coeur de l’homme, les yeux de la femme, les inconnus de la rue, ceux qui à une certaine heure crépusculaire ou en pleine nuit étoilée ont besoin d’elle, même s’il s’agit d’un seul vers... Cette visite à l’imprévu vaut tout ce qu’on a parcouru, et lu et appris...
Le poète :
Il faut se perdre parmi les inconnus pour qu’ils ramassent soudain ce qui est à nous dans la rue, sur le sable ou au milieu des feuilles qui tombent depuis mille ans dans la même forêt... et qu’ils prennent tendrement l’objet que nous avons fait notre ...
Le chanteur :
Alors seulement nous serons de véritables poètes... Dans cet objet vivra la poésie...
UN JOUR VOYAGEUR
Le poète: “ Je ne sais rien si ce n’est ce que perdent les oiseaux.”
Un jour voyageur homme ou femme
Plus tard quand je ne vivrai plus
Cherche ici cherche-moi
Parmi la pierre et l’océan
A la tempétueuse clarté
De l’écume
Cherche ici cherche-moi
Car je reviendrai ici sans rien dire
Sans voix sans bouche
Pur
Je reviendrai ici
Etre le mouvement de l’eau
De son coeur sauvageon
Et je serai ici perdu et retrouvé
Ici peut-être je serai pierre et silence
A PAÏTA
Le poète: “ Moi je viens vous parler par votre bouche morte.”
Le chanteur :
A Païta nous demandâmes
Ce qu’on savait de la défunte
Toucher
Toucher la terre
De la belle ensevelie
Le chanteur, puis le poète en écho :
Personne ne savait
Le chanteur :
Mouches du marché bourdonnantes
Le ciel était couvert
Et le jour fatigué
Mouches du marché bourdonnantes
Le jour était un égaré un voyageur
Mouches du marché bourdonnantes
Sur un long chemin
Pour nulle part
Poussiéreux
J’arrêtais l’enfant l’homme le vieillard
Le chanteur, puis le poète en écho :
Personne ne savait
Le chanteur :
Mouches du marché bourdonnantes
Où mourut Manuelita
Mouches du marché bourdonnantes
Où était sa maison
Mouches du marché bourdonnantes
Où trouver maintenant
La cendre de ses os
Nous interrogeâmes la mer
Et le vieil océan
Le poète :
Personne ne savait
Le chanteur :
La mer du Pérou
Dans l’écume ouvrit son regard inca
Et j’entendis la bouche sans dents de la turquoise
LA UNITED FRUIT C°
Le poète :
“ Je cessai alors d’être un enfant
J’avais compris qu’on ne permettait pas à mon peuple de vivre
Et qu’on lui refusait la sépulture
Si vous me demandez d’où je viens, je dois parler avec ce qui a été brisé.”
Femme 1 :
Quand sonnèrent les trompettes
Tout était prêt sur la terre
Et Jehova partagea le monde
Entre la Coca-Cola Inc, la Anaconda
La Ford-Motors et quelques autres sociétés
Le poète :
La United Fruit C° se réserva le plus juteux
La côte centrale de ma terre
La douce ceinture de l’Amérique
Homme :
Elle rebaptisa ses terres : “ Republica Bananas !”
Femme 1:
Et sur les morts endormis
Sur les héros inquiets qui conquirent la grandeur la liberté et les drapeaux
Elle établit l’opéra bouffe
Homme :
Elle aliéna les volontés
Offrit des couronnes de César
Déchaîna l’envie
Etablit la dictature des mouches
Femme 2 :
Mouches Trujillos mouches Tachos
Mouches Carias mouches Martinez
Mouches Ubico
Femme 1 :
Mouches humides de sang humble et de marmelade
Homme:
Mouches ivres qui bourdonnent sur les tombes populaires
Femme 2 :
Mouches de cirque
Mouches savantes
Expertes en tyrannie
Le poète :
Le dictateur Ubico gouvernait le pays depuis de longues années. C’était un homme corpulent, au regard froid, visiblement cruel. Il dictait la loi et rien ne bougeait sans son ordre au Guatemala.
Les jeunes poètes ayant voulu que je donne un récital, un télégramme fut envoyé à Ubico pour lui demander l’autorisation. Tous mes amis et les étudiants remplissaient le local. Je lus avec plaisir mes poèmes car il me semblait qu’ils entrouvraient la fenêtre de cette vaste prison. Le chef de la police était assis, en homme illustre, au premier rang. J’appris plus tard que quatre mitrailleuses avaient été braquées sur moi et sur le public, prêtes à fonctionner si le policier avait abandonné ostensiblement son fauteuil et interrompu le récital.
Il ne se passa rien, car l’individu resta jusqu’à la fin à écouter mes vers.
J’ai connu un des secrétaires du dictateur Ubico. C’était un révolutionnaire, qui est devenu mon ami. Il avait osé discuter, contredire un petit détail. Ubico le fit attacher sur place à une des colonnes du palais présidentiel et le fouetta sauvagement.
Femme 1 :
Parmi les mouches sanguinaires
Voici que débarque la Fruit C°
Qui rafle le café et les fruits
Le poète
Le trésor de nos terres submergées glisse dans ses navires
Comme sur des plateaux
Pendant ce temps dans les abîmes sucrés des ports
Des indiens tombent
Dans la vapeur du matin un corps roule
Une chose sans nom
Un numéro détaché
Une grappe de fruits morts renversée sur le pourrissoir
LE NAVIRE EST PARTI
Le chanteur :
Le navire est parti
Pour ses espaces
Voilà Païta endormie
Dans ses sables
Et Manuelita sans tombeau
Egrenée
En d’atroces et dures solitudes
Revinrent les barques
Ils déchargèrent
En plein soleil
Des marchandises noires
Les grands oiseaux chauves
Demeurent
Immobiles
Sur les pierres brûlantes
Le navire s’en va
La terre déjà
N’a plus de nom
Entre les deux bleus
Du ciel et de l’océan
Une ligne de sable
Sèche seule sombre
Tombe la nuit
Et navire côte mer
Terre et chant
Glissent vers l’oubli
Le poète:
Enfin nous pouvons exister
Bien qu’un certain nombre de fils de putes
N’acceptent pas nos vies
A LA HAINE
Le poète :
“ Je me suis approché de la haine
Ses frissons sont graves.”
A la haine je laisserai
Mes fers à cheval
Ma chemisette de navire
Mes chaussures de voyageur
Mon coeur de menuisier
Tout ce que j’ai su faire
Et ce qui m’a aidé à souffrir
Ce que j’eus de dur et de pur
D’indissoluble et d’émigrant
Femme 1 :
Pour qu’on apprenne dans le monde
Que ceux qui ont bois et eau
Peuvent couper et naviguer
Femme 2 :
Peuvent aller et peuvent revenir
Peuvent souffrir et aimer
Peuvent craindre et travailler
Homme :
Peuvent être et peuvent continuer
Peuvent fleurir et mourir
Femme 2 :
Peuvent être simples et obscurs
Peuvent ne pas avoir d’oreilles
Femme 1 :
Peuvent endurer le malheur
Peuvent attendre une fleur
Le poète :
“ Je veux inventer la mer quotidienne
Je ne cherche pas asile dans le creux du sanglot
Je montre la naissance de l’abeille.”
Je suis né tant de fois
Que je possède une expérience salubre
En tant que créature de la mer
Aux célestes atavismes
Et à destination terrestre
Et ainsi je me déplace sans savoir
A quel monde je vais revenir
Ou si je vais continuer à vivre
Alors que les choses se résolvent
J’ai laissé ici mon témoignage
Ma voguante “Vaguedivague”
Afin qu’en la lisant beaucoup
Personne ne puisse rien apprendre
Si ce n’est le mouvement perpétuel
D’un homme clair et confondu
D’un homme pluvieux et joyeux
Energique et automnal
VALPARAISO
Homme :
Savez-vous qu’il fut un temps où Valparaiso ouvrait ses portes à la main sans fin, aux cris de la rue, aux yeux des enfants.
Le chanteur :
Depuis Valparaiso par la mer
Pacifique dur chemin de couteaux
Soleil qui meurt ciel en dérive
Et le bateau insecte sec porté par l’eau
Chaque jour est un feu une couronne
La nuit éteint disperse dissémine
Oh! jour oh! nuit
Navires
De l’ombre et la lumière navires gémeaux
Oh! temps sillage brisé de bateau
Lentement vers Panama glisse le vent
Oh! mer fleur couchée du repos
Ce n’est ni aller ni venir
Et nous ne savons rien
Les yeux fermés nous existons
Homme :
Du port, les plus durs voiliers partirent à la conquête des baleines.
D’autres navires mirent le cap sur l’or de la Californie. Les derniers traversèrent les sept mers pour recueillir plus tard dans le désert chilien le nitrate qui gît comme la poussière infinie d’une statue démolie sous les étendues les plus sèches du monde.
Ce furent là les grandes aventures.
Valparaiso scintilla dans la nuit de l’univers.
Du monde et vers le monde surgirent des navires pavoisés, beaux comme des colombes de rêve, des bateaux parfumés, des frégates affamées que le Cap Horn avait retenues plus que de raison...
Souvent les hommes à peine débarqués se précipitaient sur la pâture...
Jours féroces et fantastiques où les océans ne communiquaient que par le lointain détroit de la Patagonie.
Temps où Valparaiso payait en bonne monnaie les équipages qui la souillaient et qui l’aimaient.
Le chanteur et l’homme :
Depuis Valparaiso par la mer
Pacifique dur chemin de couteaux
Les yeux fermés nous existons
Le choeur :
Depuis Valparaiso par la mer
Pacifique dur chemin de couteaux
Les yeux fermés nous existons
Homme :
Valparaiso, alors, s’éclairait et produisait un or sombre; peu à peu il se transforma en oranger marin; il eut un feuillage; il eut sa fraîcheur et son ombre; il eut un éclat de fruit.
LE PARESSEUX
Le chanteur :
Continueront de voyager
Choses de métal entre les étoiles
Des gens s’exténueront à monter
Pour violer la lune douce
Là-bas fonder leurs pharmacies.
En ce temps de vendanges pleines
Le vin chez nous commence à vivre
De la mer à la Cordillère
Au Chili dansent les cerises
Chantent les fillettes à peau noire
Et dans les guitares l’eau brille
Le soleil joue à toute porte
Et fait miracle pour le blé
Le premier vin est vin rosé
Il est doux comme un enfant tendre
Le second vin est vin robuste
Comme la voix d’un marinier
Le troisième est une topaze
Incendie et coquelicot
J’ai mer et terre à la maison
Ma femme a des yeux gigantesques
Couleur des noisettes des bois
Et lorsque vient la nuit la mer
Se pare de blanc et de vert
Et puis dans l’écume la lune
Rêve en fiancée océane
Pourquoi donc changer de planète
J’ai mer et terre à la maison
Ma femme a des yeux gigantesques
Couleur des noisettes des bois
TU AS ETE LA LIBERTE
Homme:
Jeune frère il y a maintenant des temps et des temps
Jamais endormi jamais consolé
Jeune homme tremblant dans les ténèbres
Métalliques de Mexico
Dans ta main tu reçus le don
De ta patrie dénudée
En elle naquit et grandit ton sourire
Comme une ligne entre l’or et la lumière
Le chanteur :
Manuelita
Tu as été la liberté
La délivrance et l’amoureuse
Offrant les joies avec les doutes
Adorée irrespectueuse
Le hibou frissonnait dans l’ombre
Lorsque passait ta chevelure
Les tuiles s’éclairèrent
Les parapluies s’illuminèrent
Les maisons changèrent de robe
L’hiver fut transparent
Et Manuelita traversa
Les rues fatiguées de Lima
La nuit de Bogota
L’obscurité de Guayaquil
Et l’habit noir de Caracas
Il fait jour depuis lors
LA FOULE
Le poète :
La foule a été la leçon de ma vie. J’appartiens à la majorité primordiale, je suis une des feuilles du grand arbre humain. Dans la solitude, ma vie s’est enrichie de la bataille des vagues sur le littoral chilien. J’ai été intrigué et passionné par les eaux combatives et par les rochers combattus, par la multiplication de la vie océanique.
Mais j’ai appris beaucoup plus de la grande marée des vies, de la tendresse aperçue dans des milliers d’yeux qui me regardaient en même temps. Ce message n’est peut-être pas à la portée de tous les poètes, mais celui qui l’aura reçu le gardera dans son coeur et le développera dans son oeuvre.
Femme 2 :
« Nous, les poètes marcheurs, nous avons exploré le monde, sur chaque seuil, la vie nous a reçus, nous avons pris part à la lutte terrestre. Quelle fut notre victoire? Un livre. Plein de contacts humains, de chemises; un livre sans solitude, avec hommes et outils. Il vit et tombe comme tous les fruits, il s’éteint, il s’effeuille, il se perd parmi les rues, il s’effondre sur le sol. »
Femme 1:
« J’écris pour le peuple bien qu’il ne puisse lire ma poésie avec ses yeux ruraux. L’instant viendra où une ligne, l’air qui bouleverse ma vie, parviendra à ses oreilles... »
MOI CHANTEUR
Le poète :
“ Je ne suis rien de plus qu’un poète je vous aime tous
Je ne viens rien résoudre
Je suis ici pour chanter et pour que tu chantes avec moi.
Je suis résolument triangulaire.”
Le chanteur :
Moi chanteur j’ai erré
Parmi les vignes
De l’Europe
J’ai erré sous le vent
Sous le vent de l’Asie
Le meilleur dans les vies
La vie même
La terrestre douceur
La paix pure
Errant je l’ai cueilli
Oui cueilli
Le meilleur d’une terre
Et d’une autre
Ma bouche l’éleva
Dans son chant
La liberté du vent
La paix au coeur des vignes
Il semblait que les hommes
Se haïssent
La même nuit portant
Les couvrait
Et il n’est de lumière
Qu’une seule lumière
Celle qui nous réveille
La lumière du monde
J’entrai dans les maisons
Ils mangeaient à leurs tables
Ils venaient des usines
Ils riaient ou pleuraient
Et tous étaient semblables
Et tous tournaient leurs yeux
Vers la lumière tous cherchaient
Leur chemin
Tous avaient une bouche
Ils chantaient
Chantaient vers le printemps
Tous
Voilà pourquoi moi
J’ai cueilli dans les vignes
Et le vent
Des hommes le meilleur
Et maintenant il faut m’entendre
Moi chanteur il faut m’entendre
Tous
POUVOIR DE LA POESIE
Homme :
C’était à Lota, il y a de cela bien des années. Dix mille mineurs étaient accourus au meeting. La zone du charbon, toujours agitée dans sa pauvreté séculaire, avait couvert la grand-place de travailleurs.
Femme 2:
A Lota, il y a les puits du bas charbon : c’est un port froid du grave hiver austral, la pluie tombe sur les toits, ailes de mouettes couleur de brouillard, et l’homme, sous la mer lugubre creuse et creuse le sombre enclos. La vie de l’homme est aussi noire que le charbon, nuit haillonneuse, pain misérable, jour pénible.
Le poète :
Une grève à nouveau, la paye ne suffit plus, les femmes pleurent dans les cuisines. C’est la grève de ceux qui creusent sous la mer, allongés dans la grotte humide, pour extraire avec sang et force la motte noire de la mine.
Femme 1 :
Les leaders parlèrent longtemps. Il flottait dans l’air de midi une odeur de charbon et de sel marin. L’océan était là tout près, avec sous ses eaux les quelque dix kilomètres de tunnels sombres dans lesquels ces hommes extrayaient le charbon.
Femme 2 :
Maintenant ils écoutaient, en plein soleil.
Le poète :
La tribune était très haute et découvrait devant moi un océan de casques de mineurs. Je devais parler le dernier.
Femme 2 :
Cette marée humaine, après avoir entendu ton nom et le titre du poème, se découvrit silencieusement. Succédant à ce langage politique catégorique, la poésie, ta poésie allait parler.
Homme :
Alors, il y eut un énorme mouvement de chapeaux : dix mille mains qui retombaient à l’unisson, dans une houle indescriptible, un sourd paquet de mer, une écume noire de muette déférence.
Femme 1 :
Alors ton poème s’éleva et son accent se fit plus combatif et plus libérateur que jamais.
Le poète :
J’ai accusé celui qui avait étranglé l’espoir, j’ai mis son nom dans la caverne de la honte...
Je suis arrivé, à travers les labyrinthes de la parole écrite, à être le poète de mon peuple. Et j’ai eu ma récompense, en ce moment grave de ma vie, quand, en plein soleil dans la salpêtrière ardente, un homme est monté de la fosse comme on remonte de l’enfer, le visage transformé par le travail pénible, les yeux rougis par la poussière et, me tendant sa main durcie, cette main qui porte la carte de la pampa dans ses cals et dans ses rides, m’a dit:
Homme :
“ Il y a longtemps que je te connais, mon frère.”
J’EXIGE UN CHATIMENT
Le poète :
“ Aujourd’hui de nouveau me voici compagnon
Il me faut abolir orgueil solitude caprice
M’en tenir à l’enclos de la communauté.”
Homme et femme 1 :
Alors, les entrepreneurs nord-américains et anglais, leurs avocats, leurs sénateurs, leurs députés, leurs présidents, répandirent le sang sur le sable.
Ils parquèrent, enchaînèrent, assassinèrent notre race, la force profonde du Chili.
Ils laissèrent le long des chemins de l’immense pampa des tombes d’ouvriers fusillés, des cadavres amoncelés dans les replis du sable.
Le poète :
La terre paraissait s’enfoncer.
Le poète :
Au nom de ces morts nos morts
Je demande un châtiment
Pour ceux qui éclaboussèrent la patrie de sang
Je demande un châtiment
Pour le bourreau qui commanda cette fusillade
Je demande un châtiment
Pour le traître qui parvint au pouvoir par ce crime
Je demande un châtiment
Pour celui qui déclencha l’agonie
Je demande un châtiment
Pour ceux qui se firent les défenseurs de ce crime
Je demande un châtiment
Je ne veux pas qu’ils me tendent leurs mains humides de notre sang
Je demande un châtiment
Je ne les veux pas ambassadeurs tranquilles dans leurs maisons
Je veux les voir ici jugés à cette place en cet endroit
J’exige un châtiment
CELA EST CERTAIN
Le poète :
A demain donc pour la joie! Pour aujourd’hui, voici la plaie, voici les hautes larmes.
J’ai besoin d’un éclair de splendeur persistante.
Femme 2 :
Sa femme est provinciale. Elle est née à Chillan, une ville du sud célèbre dans les moments heureux pour sa céramique paysanne et dans le malheur pour ses terribles tremblements de terre.
C’est une femme araucane, indépendante et libre.
Le poète:
Mathilde Urrutia,
La terre et la vie nous ont réunis.
Tu es du pauvre sud, d’où est venue mon âme:
Dans son ciel ta mère lave toujours du linge
Avec la mienne. Amie, ainsi je t’ai choisie.
Mathilde Urrutia,
J’aime ta voix forte, quand tu chantes mes chansons.
Mathilde :
Bien que cela n’intéresse personne, je veux préciser que nous sommes heureux.
Le poète :
Maintenant je l’aperçois et je vois comment elle enterre ses souvenirs dans la boue du jardin et comment elle enterre ensuite ses mains minuscules dans la profondeur de la plante.
De la terre, avec des pieds et des mains, des yeux et une voix, elle m’a apporté toutes les racines, toutes les fleurs, tous les fruits parfumés du bonheur.
Mathilde :
L’amour nous donna la seule importance
La vertu physique
La pulsation qui naît et se propage
La continuité
Du corps dans le bonheur
Et cette parcelle de mort
Qui nous illumina à nous rendre noirs
Le chanteur :
Cela est certain mon aimée ma soeur
Cela est certain
Comme les bêtes grises qui paissent dans les prés
Et s’aiment dans les prés
Comme les bêtes grises
Comme les races ivres qui peuplent la terre
Et s’aiment et puis se tuent
Comme les races ivres
Comme le battement des corolles ouvertes
Répandent le trésor futur des semailles
Comme le battement des corolles ouvertes
Poussé par les voix de la terre
Comme une vague dans la mer
Mon corps va vers toi
Et toi dans ta chair
Tu enfermes les pupilles assoiffées
Avec lesquelles je regarderai
Quand on aura rempli mes yeux de terre
JE VEUX VIVRE DANS UN MONDE
Le poète :
Je n’ai jamais compris la lutte autrement que comme un moyen d’en finir avec la lutte. Je n’ai jamais compris la rigueur autrement que comme un moyen d’en finir avec la rigueur. J’ai pris un chemin car je crois que ce chemin nous conduit tous à cette aménité permanente.. Je combats pour cette bonté générale, multipliée, inépuisable.
Mathilde :
( Au poète ) De toutes ces rencontres entre ta poésie et la police, (aux autres) de tous ces épisodes et d’autres que je ne vais pas raconter car ils sont identiques, et d’autres qui ne lui sont pas arrivés personnellement mais que beaucoup de gens ont subis et ne pourront pas raconter, ( au poète) il te reste malgré tout une foi...
Le poète :
Une foi absolue dans le destin de l’homme, la conviction chaque jour plus consciente que nous approchons de la grande tendresse.
MON AMOUR SI JE MEURS
Le chanteur :
Mon amour si je meurs et si tu ne meurs pas
Mon amour si tu meurs et si je ne meurs pas
N’accordons pas à la douleur plus grand domaine
Nulle étendue ne passe celle de nos vies
Poussière sur le blé et sable sur les sables
L’eau errante et le temps et le vent vagabond
Nous emportaient tous deux comme graine embarquée
Nous pouvions dans ce temps ne pas nous rencontrer
Et dans cette prairie où nous nous rencontrâmes
Mon petit infini nous voici à nouveau
N’accordons pas à la douleur plus grand domaine
Nulle étendue ne passe celle de nos vies
Avec Mathilde :
Mais cet amour amour est un amour sans fin
Et de même qu’il n’a pas connu de naissance
Il ignore la mort il est comme un long fleuve
Il change seulement de lèvres et de terre
Mon amour si je meurs et si tu ne meurs pas
Mon amour si tu meurs et si je ne meurs pas
Femme 2 :
En cet instant critique, en ce clignotement d’agonie, nous savons que la lumière définitive entrera dans les yeux entrouverts.
Femme 1 :
Nous nous comprendrons tous.
Homme :
Nous progresserons ensemble. Et cet espoir est irrévocable.
A HORA Y SIEMPRE
Le poète :
Je veux être dans la mort avec les pauvres
Qui n’ont pas le temps de l’étudier
Fouettés par ceux qui possèdent le ciel
J’ai ma mort prête comme un costume
Qui m’attend de la couleur que j’aime
De la taille que j’ai cherchée en vain
Et de l’ampleur dont j’ai besoin.
( Il sort ).
Voix off :
Enterrez-moi à l’lIe Noire, compagnons,
face à l’océan familier,
à ces rugueux arpents de pierre et de vagues,
que mes yeux perdus ne verront plus.
Je veux là-bas être traîné jusqu’aux pluies
que le sauvage vent de la mer émiette et combat
et puisque les eaux souterraines me conduisent
vers le printemps profond,
lorsqu’il reparaîtra
ouvrez contre moi une tombe pour celle que j’aime pour qu’encore une fois,
elle m’accompagne en terre.
Homme :
Don Pablito, j’ai besoin de parler avec vous . Il y a une chose propre dans ma vie : c’est l’amour de ma fiancée. Regardez-là, don Pablito. Elle m’aime grâce à vous. Grâce à vos poèmes que nous avons appris par choeur.
Femme 2 :
C’est l’histoire d’un homme simple et d’une belle qu’il aimait de loin... .et du poète qui changea leur vie à jamais. C’est l’histoire d’un homme qui a su trouver la poésie dans sa vie.
Homme :
Je ne savais pas quoi lui dire don Pablito. Je l’ai vue et je suis tombé amoureux. Je ne savais pas quoi lui dire...
Femme 2 :
C’est l’histoire d’un homme qui se découvre lui-même à travers la poésie, qui découvre l’amour, la politique, tout.
Homme :
J’ai besoin de parler avec vous don Pablito. Quand je vous écoute, je suis comme un bateau dans la tempête, secoué par vos mots.
Femme 2 :
C’est l’histoire d’un homme qui a appris que chaque moment a un sens, que chaque parole a sa place, et qu’il y a un chemin vers le coeur de chaque femme.
Homme :
“ Mon amour, avant de t’aimer je n’avais rien...
... j’hésitai à travers les choses et les rues
rien ne parlait pour moi et rien n’avait de nom
le monde appartenait à l’attente de l’air.”
Femme 1:
“Sans toi, sans moi, sans lumière plus ne serons...
Homme, puis reprise par le chanteur:
... alors bien au-delà de la pierre et de l’ombre
notre amour brillera aux couleurs de la vie.”